Lynda raconte son cauchemar : J'ai avorté au noir.

Publié le par algerie-femme.com

 lynda-avortement-algerie.jpg«J’aurais aimé garder mon bébé, mais je n’avais pas le choix. C’était une question de vie ou de mort. Ma famille ne me pardonnera jamais d’être tombée enceinte d’une relation hors mariage». Lynda, 30 ans, fonctionnaire dans une société privée, est originaire de Tizi Ouzou.

 

En évoquant cet épisode de sa vie, elle gesticule et s’énerve. Elle veut prouver par tous les moyens qu’elle a avorté parce qu’elle a été contrainte de le faire. «Je ne suis pas une aventurière, ni une prostituée. J’ai avorté après être tombée enceinte de l’homme que j’ai aimé et qui est maintenant mon mari» se confesse-t-elle, sans soulagement.

«Les remords de conscience m’accablent» soutient-elle. Toute pâle et amaigrie, Lynda dont les traits du visage renseignent sur une beauté et une fraîcheur apparentes mais non épargnées par les durs moments qu’elle a vécus, essaye tant bien que mal de vivre normalement, mais…. «Vivre comme tous les autres est un luxe pour moi» dira-t-elle, le regard triste et grave. Elle s’est faite avorter pour se protéger et pour éviter le déshonneur, mais en retour elle paye dans sa chair le prix d’un accident de jeunesse.

Aujourd’hui elle souffre d’infections de l’appareil génital, de douleurs vaginales, d’une vie sexuelle instable et perturbée. La cause : l’avortement au noir pratiqué dans une clinique insalubre de la capitale. Elle se rappelle ces moments avec tous les détails et toute l’angoisse, le stress, la peur et les insomnies qu’elle a endurés. Elle était encore étudiante, jeune et inexpérimentée. Elle rencontre son prince charmant et «va très loin» avec lui. «Par amour» précise-t-elle. C’est en mois de janvier qua’elle se rend compte de sa grossesse.

«J’étais pétrifiée. Je ne cessais de pleurer, j’ai même pensé au suicide. Mon cœur battait la chamade à la seule idée de la réaction de mon père. Il est sévère et ne badine pas avec…l’honneur» raconte Lynda. Il fallait coûte que coûte trouver un gynécologue, une sage- femme, une infirmière ou toute autre personne pour interrompre sa grossesse.

Soutenue par son petit ami et assistée par des copines, au bout de quelques semaines la moitié du problème a été résolu. Un gynécologue possédant un cabinet à Alger accepte de pratiquer l’intervention. Mais le calvaire était loin d’être fini. Il restait l’argent. Le gynécologue a exigé une somme de 30 000 DA.

Cabinet de gynécologie ou écurie?

«Une fois la somme réunie, le rendez-vous fixé, j’ai quitté ma chambre universitaire et passé la nuit dans un appartement que nous a prêté un ami. Il l’a mis à notre disposition l’espace d’une semaine pour que j’y passe la période de convalescence» révèle Lynda.

A la veille de l’opération, elle était à sa seizième semaine de grossesse, le risque était grand mais pas question de faire marche arrière. «Je préfère y laisser ma vie que de donner naissance à un enfant qu’on traitera par la suite de bâtard». «Si nous en avions les moyens, nous aurions quitté le pays pour nous marier afin de garder le bébé. Nous étions encore des étudiants, Allah ghaleb» poursuit-elle. Aux premières lueurs de la journée Lynda était déjà debout, le cœur serré et la mine défaite.

En compagnie de son complice d’infortune, elle s’achemine vers le gynécologue du salut. «Dès que j’ai franchi le seuil du cabinet, une odeur infecte m’a agressé les narines. Ça sentait l’écurie. J’ai pris mon mal en patience et je me suis installée dans la salle d’attente. Quelques temps après, une jeune fille, d’une vingtaine d’années, à bout de force soutenue par une vieille dame sortait d’une chambre. La secrétaire m’appelle et me voilà à l’intérieur».

Entre la vie et la mort, un gynécologue véreux

«Il est vrai que le gynécologue a essayé de me dissuader, mais une fois que je lui ai réitéré ma volonté de passer à l’acte, celui-ci s’est mis au travail» raconte-t-elle. Interrogée sur son sentiment en ce moment, elle dira qu’elle a souhaité qu’un miracle se produise, une catastrophe emporte le monde ou tout autre chose qui pourra la délivrer des mains du gynécologue. «Je n’avais pas le choix, sinon je lui aurai craché dessus. C’était plus un commerçant qu’un médecin. Le cabinet était sale, il y avait encore du sang, le matériel n’était pas aseptisé. Il m’a opérée avec le matériel qu’il avait déjà utilisé. Ma tête tournait, j’avais envie de vomir quand….».

Mise sous une anesthésie générale, Lynda dormait profondément et une fois réveillée, elle ne sentait que des douleurs atroces et beaucoup de regrets. «Aussitôt réveillée, l’infirmière appelle mon copain et me voilà dehors comme une chienne» regrette-t-elle.

A 23 heures, les douleurs devenaient insupportables, l’hémorragie ne s’arrêtait plus. Malgré la fièvre et les vomissements, elle devrait se taire pour ne pas attirer l’attention des voisins. «Je me suis mise à réciter la Chahada, j’étais convaincue que mes heures étaient comptées» ajoute-t-elle.Vers minuit, son ami appelle à l’aide une copine dont l’amie est infirmière dans un hôpital d’Alger. Cette dernière invente une histoire pour convaincre ses parents de la laisser sortir à cette heure très tardive de la nuit. Evacuée in extremis, Lynda a été mise sous surveillance médicale, elle a perdu beaucoup de sang suite à l’hémorragie. «Le médecin traitant a fermé les yeux sur mon cas. Il n’a pas signalé que j’avais fait un avortement au noir, sinon l’affaire aurait pris une autre tournure avec l’implication des services de sécurité». Une fois l’hémorragie stoppée, le médecin m’a franchement expliqué que les séquelles pourraient rester à vie. Et me voilà mariée, mère de deux enfants mais souffrant de plusieurs maladies qui menacent sérieusement ma vie de couple. «Je crains que les infections qui me rongent ne s’aggravent. Je n’ai pas peur de la mort, mais je suis inquiète pour mes deux enfants et pour ma vie conjugale» laisse-t-elle entendre. Et d’ajouter, en soupirant, «l’avortement au noir n’est point une solution».

 

A. F.
Source : Le jour d'Algérie

 

via site :

http://www.algerie-femme.com/actu/dossiers/dossier-171-lynda-raconte-son-cauchemar-j-ai-avorte-noir.html

28/03/2008

 

Publié dans Tabou

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